Des chercheurs du Centre d’Études Biologiques de Chizé (UMR 7372, UMR CNRS & La Rochelle Université) et de l’université de Bourgogne (Biogéosciences – UMR CNRS / uB / EPHE 6282) ont étudié les effets sur la santé des perdrix d’une nourriture issue de l’agriculture conventionnelle par rapport à une nourriture issue de l’agriculture biologique. Les résultats sont sans appel : en moins de 10 semaines, le comportement, l’immunologie et la physiologie des individus nourris en Bio et en conventionnel divergent, se dégradant chez les derniers. Cette étude vient d’être publiée dans la revue Environmental Pollution.
L’intensification de l’agriculture est à l’origine d’un déclin de la biodiversité sans précédent, notamment chez les oiseaux, et l’utilisation très importante de produits phytosanitaires en est l’une des causes. L’effet des pesticides est classiquement reconnu par les effets létaux suite à l’exposition ou l’ingestion de doses massives et/ou de molécules particulièrement toxiques. Mais ces effets négatifs sont largement sous-estimés par les études qui ne se préoccupent que d’exposition aigue aux doses plus importantes. Sur le long terme, une exposition chronique à des doses faibles peut avoir des effets tout aussi dévastateurs sur la survie ou la reproduction des individus et donc plus généralement à l’échelle de la population et des écosystèmes.
En nourrissant deux groupes de perdrix grises (oiseaux emblématiques des plaines agricoles) pendant plusieurs semaines, avec des céréales qui se distinguent exclusivement sur leur origine, issues de l’agriculture biologique (c’est-à-dire sans utilisation de pesticides) ou issues de l’agriculture conventionnelle (utilisation de différentes molécules de pesticides pendant la croissance de la plante), les chercheurs ont pu mettre en évidence une dégradation nette de l’état de santé des oiseaux nourris à partir de l’agriculture conventionnelle. Ces oiseaux se reproduisaient moins bien et montraient des signes d’altérations physiologiques et comportementales nettes. Parmi les effets démontrés dans cette étude, leur système immunitaire étaient surexprimés, le stress physiologique augmenté et la coloration des mâles était plus terne, signe d’une santé dégradée. Par ailleurs, la condition corporelle des femelles nourries avec du grain conventionnel augmentaient, ce qui pourrait être lié à un effet de type perturbateur endocrinien relatif au stockage des réserves dans les tissus adipeux, comme ce qui est supposé chez l’homme.
Dans cette étude, un dispositif expérimental innovant et éthique a été utilisé : contrairement à l’immense majorité des études qui testent les effets des pesticides, les molécules toxiques n’ont pas été ajoutées à la nourriture. Au contraire, il a s’agit d’utiliser une différence, existant naturellement entre la production biologique et conventionnelle, à l’instar de ce que peuvent rencontrer les oiseaux sauvages. Cette étude montre que même à des doses rencontrées dans des situations naturelles, les céréales contenant des résidus de pesticides issus de l’agriculture conventionnelle induisent des perturbations visibles sur les oiseaux, pouvant expliquer en partie la disparition des oiseaux dans les paysages agricoles.
Cette étude souligne enfin le manque d’analyse des effets à long terme des pesticides dans une situation mimant des conditions naturelles dans les études de toxicité avant mise sur le marché, et montre que chez les oiseaux comme chez les humains, la consommation de nourriture issue de l’agriculture biologique a des effets bénéfiques sur la santé, renforçant l’approche et le concept de santé environnementale (One Health).